À quelques jours du grand meeting dont il est le protagoniste, ce samedi midi à Perpignan, l’ex président de la Generalitat de Catalogne a répondu aux questions de L’Indépendant, depuis Strasbourg et par écrans interposés. Plus de deux ans après avoir quitté Gérone pour la Belgique, Carles Puigdemont considère qu’il foulera samedi “le sol catalan”.
L’Indépendant : Que représente pour vous cette visite à Perpignan, sur un plan personnel ?
Carles Puigdemont : Pour moi, c’est comme d’être à la maison. Dernièrement, je m’y suis rendu en tant que maire et en tant que président de la Generalitat. Lors de ma dernière visite, j’avais visité l’exposition Picasso (au musée Rigaud, NDLR). Ce samedi est un rendez-vous particulièrement important sur le plan émotionnel. Ce sera la première fois que je verrai ma mère depuis mon départ en exil, le jour de la Sant Narcís (le 29 octobre 2017, NDLR).
Ce vendredi soir, la veille du meeting, l’USAP joue à Aimé-Giral. Confirmez-vous avoir été invité au match ? Y assisterez-vous ?
J’ai effectivement été invité à l’USAP mais je ne peux pas vous dire si j’y serai ou pas car tout cela est géré par mon équipe.
Comme de nombreux manifestants qui ont déjà réservé leur hôtel, vous-même serez donc bien présent dès vendredi sur notre territoire ?
Oui… Enfin, ce n’est pas moi qui m’occupe des détails logistiques mais nous voulons être présents samedi le plus frais possible.
Que pouvez-vous dire sur l’équipe qui vous a servi de relais à Perpignan ?
Pour organiser cet acte nous nous sommes beaucoup appuyés sur le soutien du Consell per la República. Pour des raisons de sécurité, nous avons tout fait pour que l’organisation soit la plus discrète et sûre possible. Les gens engagés dans les détails les plus critiques de l’organisation sont peu nombreux. Nous voulons que tout se passe bien et que cet acte laisse de bons souvenirs en Catalogne nord.
En quoi ce meeting est-il exceptionnel à vos yeux ?
Il n’y a pas eu autant de personnes (du sud, NDLR) réunies en Catalogne nord depuis la Retirada. Gérer des dizaines de milliers de personnes dans un territoire qui n’est pas habitué à cela, c’est un risque et un défi pour tout le monde. Nous souhaitons donc travailler main dans la main avec les institutions locales. Tout va bien se passer car il y a une tradition de la mobilisation en Catalogne. Tous les ans depuis 2012, nous organisons les manifestations les plus massives d’Europe sans aucun incident. Que tout le monde se rassure : ce sera une fête.
En dehors des solidarités militantes, certaines personnalités politiques locales se sont montrées favorables à votre visite. C’est le cas du maire de Perpignan, Jean-Marc Pujol, qui a même évoqué une relation privilégiée avec vous… Est-ce vraiment le cas ?
J’ai toujours eu de bonnes relations avec lui et je me satisfais des paroles qu’il a eues, comme de celles de nombreuses personnalités politiques de la Catalogne nord. Au-delà des opinions politiques personnelles de chacun, il existe des valeurs républicaines très solides. Les personnalités qui se prononcent le font avant tout contre une aberration : la présence de prisonniers politiques et d’exilés au sein de l’Europe.
Un autre candidat aux élections municipales de Perpignan, Romain Grau, vous a même désigné comme “un ami”. Carles Puigdemont serait-il devenu un argument de campagne à Perpignan ?
Avec Romain, nous nous connaissons depuis longtemps et c’est une personne que j’apprécie beaucoup. Je crois qu’aucune des personnes qui se prononcent en notre faveur ne le fait par opportunisme. J’ai aussi parlé avec la présidente du Département des Pyrénées-Orientales (Hermeline Malherbre, NDLR), qui s’est montrée très aimable.
Avez-vous l’espoir via ces contacts d’entrer en contact avec le gouvernement français et le président français ?
Nous sommes très prudents en ce qui concerne la relation avec d’autres États. Ce à quoi nous aspirons, c’est la connaissance de la situation liée au procés (d’indépendance en Catalogne). Que les opinions ne se fondent pas seulement sur la propagande de l’Espagne.
Que répondriez-vous aux personnes qui voient votre visite d’un mauvais œil, soit parce qu’ils ne partagent pas vos positions soit parce qu’ils considèrent que celles-ci sont étrangères à notre territoire ?
Je commencerais par leur exprimer mon respect le plus sincère. Ensuite, je leur dirais qu’il y a une partie de cette affaire que doivent décider les Catalans… Mais qu’une autre concerne l’ensemble des citoyens européens. Car il y a un État membre de l’Union européenne qui ne respecte pas les règles du jeu d’un État de droit européen et va à l’encontre des libertés fondamentales.
Cette rencontre à Perpignan aurait pu se faire avant, si vous n’étiez pas sous la menace d’une extradition vers l’Espagne…
C’est vrai, il y avait d’abord le mandat d’arrêt européen puis la convention bilatérale entre la France et l’Espagne, qui nous obligeait à être très prudents. Aujourd’hui (avec l’immunité d’eurodéputé, NDLR) je me rends à Strasbourg toutes les semaines et cela ne représente aucun problème. Ce sera d’autant plus naturel à Perpignan, en étant si bien accompagné. Cela fait un moment déjà que je me déplace partout en Europe avec les précautions nécessaires en termes de sécurité. J’insiste : c’est la charge émotionnelle qui fait de ce meeting une journée exceptionnelle. Se retrouver à Perpignan, c’est autre chose que de se rendre en Suisse, en Allemagne ou au Danemark !
Dans le jeu politique espagnol, la table de dialogue avec le gouvernement espagnol semble ne jamais vous avoir été aussi ouverte.
Nous sommes toujours totalement disposés à ouvrir un dialogue profond sur l’autodétermination. Mais l’expérience nous rappelle qu’il faut rester prudents et se cantonner aux faits, pas aux paroles. C’est vrai que les mots du gouvernement actuel sont plus aimables que ceux du précédent et du gouvernement du Parti populaire. Mais je n’ai personnellement aucune relation avec le gouvernement espagnol, c’est le président Torra qui a cette relation ordinaire avec eux.
Mais des gens de votre entourage le plus proche ont établi ce contact…
Oui, c’est vrai.
Avec les prochaines élections catalanes à l’horizon, le meeting de Perpignan ne risque-t-il pas de se transformer en un acte partisan pour votre camp ?
L’organisation et le déroulement de ce meeting n’ont rien d’un acte partisan. Le Consell de la República n’est pas un parti politique. C’est l’esprit transversalité qui régnera, ainsi que la gratitude envers les nord catalans qui ont fait possible que Clara (Ponsati), Toni (Comin) et moi-même puissions fouler le sol catalan. C’est un fait historique pour nous.